Mes soixante-quinze ans
J’ai un profond respect pour les dates d’anniversaire
Ces portes que le temps dispose autour de nous
Pour ouvrir un instant nos cœurs à ses mystères
Et permettre au passé de voyager vers nous.
L’AREQ emprunte ce refrain d’Yves Duteil pour vous signifier toute l’importance qu’elle veut donner à cette étape de votre vie.
Vous avez 75 ans cette année. Avez-vous répété ce nombre plusieurs fois, doucement, pour en apprivoiser la sonorité, pour l’amadouer?
Plus tout jeune, pas si vieux. Bel Âge… Âge d’Or… Pouvoir gris… Aînés…
Les années se sont additionnées sans demander la permission. Sûrement que vous savez poser un regard lucide et satisfait sur ce que vous avez été et ce que vous êtes. Les parcours de vie et les expériences reliées à l’avancement en âge se déclinent différemment selon de multiples facteurs personnels et sociaux. « La vie est si fragile » nous rappelle Luc De Larochellière sur une note on ne peut plus juste.
Votre arrivée, alors que les nations se déchiraient, témoigne de la foi et de la confiance de vos parents. Vous avez fait vos premiers pas et appris à sourire et à parler quand les nouvelles de la BBC ne parlaient que de victimes, d’attaques, de restrictions.
Vous avez réussi à survivre à des épreuves et avez fait appel à des forces qui méritent respect. Les expériences accumulées, les savoirs, la vie intérieure riche que vous avez bâtie au fil des ans, font de vous des personnes précieuses, recherchées, admirées.
Notre histoire collective laisse à chacun, chacune, un 75e à se rappeler.
1943 L’Axe recule pour la première fois. Les Soviétiques ont repris le contrôle de Stalingrad (cette victoire soviétique représente l’événement majeur de la Seconde Guerre mondiale). Les Alliés maîtrisent l’Afrique et, suite au débarquement en Sicile, sont parvenus à faire tomber Mussolini. Et la bataille des Îles Salomon dans le Pacifique provoque la retraite des Japonais.
1943 Année noire pour la France occupée et livrée au pillage. Installé à Vichy, Pétain ordonne la collaboration avec l’Allemagne nazie. La résistance s’organise. Apparaissent des petits groupes qui effectuent des missions de sabotage ou des opérations de guérilla. La résistance a son hymne, enregistré à Londres : Le chant des patriotes :
« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos têtes
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne »
1943 Heinrich Himmler, dans un discours devant les généraux SS, organisateurs de l’extermination, s’exprime ainsi :
Ce sujet doit être abordé entre nous en toute franchise. Mais nous n’en ferons jamais mention en public. Je veux parler de la liquidation des Juifs, de l’extermination de la race juive. C’est une question dont il faudrait parler librement : les Juifs doivent être exterminés. C’est notre programme et nous devons l’appliquer.
1943 Début août, le Tout-Québec est en émoi. Le Château Frontenac a été vidé de ses clients et des milliers de réservations ont été annulées. Des batteries antiaériennes sont installées près de l’hôtel, sur les Plaines d’Abraham, aux abords de la Citadelle. Les agents secrets sont à l’œuvre. La censure tombe sur les médias qui ne peuvent relater les événements. Les rumeurs fusent : le Pape Pie XII s’installera dans la capitale pour fuir l’Europe en guerre, l’hôtel sera transformé en hôpital militaire pour les blessés canadiens du front italien. Une conférence est organisée dans le plus grand secret entre le premier ministre britannique Winston Churchill et le président américain Franklin Roosevelt, sous la supervision du premier ministre du Canada, Mackenzie King. Le but de la rencontre est de conclure une entente sur un prochain débarquement des troupes alliées en Europe, de coordonner les activités liées à ce débarquement et d’en décider le commandement. Le général Eisenhower sera choisi. Jamais la population de Québec n’a su ce qui se tramait derrière les portes closes, mais elle a été bombardée d’informations mondaines : des réceptions, des beaux habits, des défilés, des visites, des voyages de pêche.
1943 Le gouvernement d’Adélard Godbout rend la fréquentation scolaire obligatoire pour les enfants de 6 à 14 ans. La loi dicte les bases de la gratuité scolaire et impose des amendes aux parents qui retirent leurs enfants de l’école avant l’âge requis.
1943 L’Encyclique Divino Afflantu Spiritu lève l’interdit pesant sur les études bibliques et sur la diffusion des textes de la Bible à tous les fidèles.
1943 Albert Hofmann expérimente accidentellement les effets psychotropes du LSD.
1943 Le psychiatre autrichien Hans Asperger décrit le syndrome qui portera son nom.
1943 Willem Johan Kolff réussit la première hémodialyse aux Pays-Bas.
1943 La vaccination systématique contre la coqueluche est approuvée au Canada.
1943 On fabrique pour la première fois de la pénicilline.
1943 Une voiture coûtait 1 100 $, l’essence 19 ¢ le gallon, le pain 9 ¢ et un timbre-poste, 3 ¢.
1943 L’Ermite, premier fromage bleu du Québec, est produit par les moines bénédictins de l’Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac.
1943 Antoine de Saint-Exupéry publie Le Petit Prince.
1943 Félix Leclerc publie ses fables Adagio.
1943 Albert Chartier crée son personnage d’Onésime en bandes dessinées.
1943 À Rimouski, est fondée l’École élémentaire de génie maritime qui deviendra plus tard l’Institut maritime du Québec. Elle est sise à l’angle des rues Saint-Louis et Sainte-Marie.
1943 Sur notre terre, font leur premier tour de piste : Catherine Deneuve, Serge Lama, Johnny Hallyday, Salvatore Adamo, Mick Jagger, Georges Harrison, Robert De Niro, John Kerry, Jean-Claude Killy, Sylvain Lelièvre, Louise Forestier, Gérard Bouchard, Yvan Cournoyer…
Mais avant tout, chacune, chacun d’entre vous :
Lise Beaupré
Gilles Berger
Yvan Bossé
Simone Cimon
Roger Comeau
Dolorès Côté
Marcelle Denoncourt
Yvan Devost
Danielle Dion
Graziella Dion
Francine Dionne
Rosaire Dionne
Claudette Dubé
Monique Dubé
Claire Duchesne-Fiola
Nicole Dumont
Pâquerette Gagné
Lucille Gagné-Girouard
Denyse Gagnon
Jean-Paul Garon
Thérèse Gauthier
Jean Landry
Denyse Landry-Cayouette
Béatrice Lepage
Ghislaine Lévesque
Gilbert Michaud
Nicole Michaud-Doucet
Nelson Migneault
Louise Nadeau
Lizelle Ouellet
Simon Ouellet
Simone Pelletier-Thériault
Gilles Pineault
Clémence Pineault-Gagné
Normand Plourde
Nicole Potvin
Aline Roy
Gilbert Thibault
Roger Tremblay
Clémence Vignola
Pas déjà 75 ans! C’est passé si vite…
Comme le disait le vieux Corneille à quelque jeune fille :
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront
Il saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le mot Vivant est synonyme de Vieillissant. Seuls les vendeurs d’éternité diront le contraire.
Vous vous êtes construits, les sillons laissés sur votre peau par le temps témoignent de l’expérience et surtout de la fierté d’avoir transmis quelque chose de grand, de noble. Vous avez laissé une empreinte sur le monde par vos actions, votre générosité, vos attitudes envers vos semblables et, plus encore, envers les jeunes. Vous avez suivi le cours du temps en assumant les changements qu’il impose.
Le temps, on peut feindre de s’en moquer. Si ce ne sont pas les articulations, c’est le calendrier ou un formulaire à remplir qui ramène à la réalité.
Vous avez apprivoisé la retraite. À cette étape des trois quarts de siècle, vous n’êtes pas vieille ou vieux. Votre esprit a gardé sa jeunesse. Votre capacité à vous intéresser au monde, à vous enthousiasmer ou vous indigner est intacte.
Certes, les années marquent le corps. Inquiétudes, remises en question, interrogations quant à son utilité dans ce monde se pointent parfois avec plus de pertinence.
La vieillesse, un désastre; non, une aventure, un défi, un travail.
Sur la place publique, notre association est une intervenante incontournable concernant les personnes aînées. Elle répète que les personnes aînées, loin d’être un fardeau, sont une richesse, une force. Si les nombreux services qu’elles rendent à la famille, aux connaissances, à la société en général ne sont pas comptabilisés dans le produit intérieur brut si cher aux économistes, elles n’en contribuent pas moins de façon appréciable au bien-être de l’ensemble de la population.
Mamie, papi, grand-maman, grand-papa, mémé, mimi, oncle, tante, Gaston, Jojo… Peu importe comment les enfants vous appellent, vous avez une grande importance. Vous tissez des liens tendres et complices mais, surtout, vous les inscrivez dans une lignée, une histoire familiale, une culture, un passé. Les petits apportent fraîcheur et dynamisme et obligent à rester alertes, curieux, en forme. Si tout va mal, appelle ta grand-mère, dit un proverbe italien. Pourrait-on ajouter « si tout va bien » aussi?
Félicitations et bravo pour ces années vécues avec l’amour comme formidable ressort : amour des autres, amour de la famille, de la profession, des collègues, de la retraite, de la Vie.
Que nous reste-t-il à vous souhaiter sachant que vous saurez négocier ce tournant avec cœur ?
L’AREQ vous aime.
L’AREQ est fière de vous et de vos 75 ans.
L’AREQ vous dit : « Merci et Bonne fête! »
Bien sincèrement, nous vous souhaitons :
de continuer d’avancer dans la sérénité, l’humour, la sagesse;
d’aimer et de vous faire aimer avec tendresse malgré les rides, les limites;
d’apprécier la beauté du quotidien dans toute sa simplicité;
de célébrer la beauté de chaque matin, la musicalité de la pluie ou l’éclat d’un ciel d’hiver;
d’apprécier la pureté du silence, la douceur des conversations;
de vous nourrir de l’amitié, des repas en famille, du thé de l’après-midi avec un petit muffin au cannabis pour vos vieux os.
Et, si le cœur vous en dit, vous pourriez mettre à votre horaire cet exercice : chaque matin, sur l’île d’Okinawa au Japon, baptisée par l’Organisation mondiale de la santé « région de la longévité », on récite ce mantra : « La chaleur de nos cœurs empêche nos corps de vieillir ».
Et, un auteur bien de chez-nous, Serge Bouchard, nous suggère de « danser avec la vie même quand le plancher de danse se défile sous nos pieds ».
Écoutons en rêvant ce refrain de 1943 :
Que reste-t-il de nos amours
Que reste-t-il de ces beaux jours
Une photo, vieille photo
De ma jeunesse
Que reste-t-il des billets doux
Du mois d’avril, des rendez-vous
Un souvenir qui me poursuit
Sans cesse
(Interprète : Charles Trenet (1943), paroles : Charles Trenet, musique : Charles Trenet et Léo Chauliac) –
Empruntée à Youtube :
Rachel St-Pierre
Pour le comité de l’amitié de l’AREQ
Septembre 2018.